Thérèse Desqueyroux : une oeuvre féministe ?

Thérèse Desqueyroux livre une vision critique de la place qu’occupaient les femmes dans le milieu bourgeois bordelais. Au demeurant, cette position était la même dans toute la bourgeoisie française, à quelques rares exceptions près.

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(c) photo par Nour Mezouane

La condition de la femme dans Thérèse Desqueyroux

Le roman Thérèse Desqueyroux peut-il être considéré comme un roman féministe ? Si l’on donne une connotation militante à cet adjectif, la réponse serait non. Le roman datant de 1927, ne doit pas rendre compte de la condition des femmes actuelle. Cependant, c’est bien une femme qui est la protagoniste du roman. François Mauriac, l’auteur de cette oeuvre, était un écrivain engagé issu d’une famille bourgeoise, catholique et conservatrice.
Thérèse Desqueyroux est l’occasion pour lui de livrer une vision critique de la place qu’occupaient les femmes dans le milieu dont il était issu, la bourgeoisie bordelaise.
Ici, la femme est toujours soumise soit à un homme soit à la famille. Les hommes, en position dominante, le père ou le mari, regardent les femmes d’un oeil dédaigneux et supérieur : « Toutes des hystériques quand elles ne sont pas idiotes ! », clame Jérôme Larroque, le père de Thérèse, un riche notable. Un homme se doit d’être supérieur à sa femme, et c’est bien ce qui préoccupe les pensées de Bernard Desqueyroux (le mari de Thérèse) avant leur mariage : il constate que sa future épouse est intelligente et instruite qui lui est, en ce domaine, supérieure. C’est pourquoi, il a « travaillé d’arrache-pied » étant lycéen, pour se hisser à sa hauteur. Une fois marié, sa position d’époux le place au-dessus de Thérèse : il est l’homme, celui qui sait, le sage, tandis qu’elle est forcément ignorante : « Tu es encore naïve, ma petite » : ainsi juge-t-il des opinions de Thérèse pour se rassurer et se sentir plus fort.

 

Les femmes du roman se révoltent-elles contre la position qu’on leur impose ?

Évidemment que non, elles acceptent cette sujétion comme si c’était leur devoir. Au début de l’oeuvre, Thérèse et Anne (sa belle-soeur) sont deux jeunes filles vives et gaies puis acceptent sans protester les contraintes du mariage. Les femmes de ce roman semblent même attendre cette dépersonnalisationavec impatience : « Les femmes de la famille aspirent à perdre toute existence individuelle » constate amèrement Thérèse. Nulle révolte ne voit le jour, sauf celle de la singulière grand-mère Julie qui se rappelle plus de rien et qui vit dans le mutisme. Selon Mauriac, ces femmes sont condamnées d’avance par leur milieu : « par le fait de leur naissance dans une campagne perdue, dans une société très restreinte, elles n’ont pu choisir leur compagnon et n’avaient aucune chance de trouver des êtres pareils à elles ».

Le lecteur peut se demander pourquoi les personnages féminins de le roman acceptent une condition inférieure, à l’exception de Thérèse et de la grand-mère Julie. Deux conjectures sont possibles : d’une part le confort de la routine et donc de la déresponsabilisation ; d’autre part, la pression sociale et familiale que connaissent ces femmes. Le lecteur peut se demander pour quelle raison elles partent pas? Et bien, il faut savoir sont acculées devant deux obstacles. Le premier, c’est la question matérielle : nombre d’entre elles dépendent de leur mari ou de leur père, jusqu’à leur majorité. Le deuxième, c’est le prix à payer ; ce prix, c’est la disparition, l’effacement, le reniement définitif du cercle familial. Comme l’écrit Mauriac, ces femmes sont des prisonnières : « elles se trouvent, et ce n’est pas une image, emprisonnées derrières des barreaux, des barreaux vivants ».

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Emmanuelle Riva dans le film de Georges Franju, Therese Desqueyroux (1962) Crédits : AFP

 

 

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